Nikon FM / Tri-X
Walker Evans, photographe américain du milieu du XXème siècle, donnait aux photographes de rue le conseil suivant : “Observez ; c’est le moyen d’éduquer votre oeil, et bien d’autres choses. Observez, furetez, écoutez, surprenez. Vous devez apprendre quelque chose avant de mourir. Vous n’êtes pas ici pour bien longtemps.”
La photographie de rue est en effet avant tout une façon particulière de se comporter dans l’espace urbain. Etre constamment à l’affût, que ce soit d’une lumière directive, d’une géométrie parfaite, d’une disposition remarquable des personnages ou encore d’une direction furtive de regard.
Rien de spectaculaire n’est recherché. Les sujets des photos sont la plupart du temps des gens ordinaires vaquant à leurs occupations quotidiennes. Une jeune fille courant sous la pluie, un pêcheur passant devant sa barque, une vieille dame priant avant de manger : souvent les photos sont dépourvues du moindre ressort dramatique.
Pourtant, certaines intriguent plus durablement que les (trop) nombreuses images qui cherchent tant bien que mal à nous interpeller chaque jour sur les réseaux sociaux en jouant sur l’anecdotique ou le spectaculaire. Comment expliquer ce phénomène ? Par la virtuosité technique ?
Non, un certain nombre de photographies de rue sont floues ou en tout cas très loin du piqué parfait recherché par les tenants d’une photographie plasticienne. Peut-être plutôt par leur côté fragile, par leur lien avec le réel qui nous entoure ou encore par leurs qualités graphiques. Sur une photographie de rue, chaque moment est saisi en une fraction de seconde par un photographe sur le qui-vive qui tente de parvenir à “la rencontre entre la géométrie et l’instantané”, comme disait Henri Cartier-Bresson. Pour y parvenir, il faut être curieux, résolu, patient et persévérant. Il faut accepter d’arpenter le trot- toir des journées entières dans l’attente d’un hypothétique instant décisif. Il faut battre le trottoir.